La vidéo “Fragments de mémoires” de Touda Bouanani (2014) introduit à l’œuvre de son père, en particulier à son long-métrage Le Mirage, évoque la situation de l’appartement-archive de la famille, et présente l’un de ses manuscrits inédits : La Septième porte, une histoire du cinéma au Maroc de 1907 à 1986.
Le texte de la voix off
“Ahmed Bouanani est un illustre inconnu. Bien plus encore, il était confondu avec un homonyme qui travaillait à la RTM (Radio Télévision Marocaine). Au mieux il était connu pour avoir réalisé un unique long métrage, Le Mirage en 1980, pour avoir écrit un unique roman L’hôpital paru en 1990 aux éditions Al Kalam et un unique recueil de poèmes Les persiennes, paru en 1980 aux éditions Stouky.
Toute ma famille travaillait dans le cinéma, toute ma famille était passionnée de cinéma.
Le Mirage ne s’appelait pas le mirage. Il s’appelait Des dollars pour Mohamed. Puis Pas de dollars pour Mohamed. Mais le titre a été censuré, la seule chose qui a été censuré dans Le Mirage, parce que on avait cru que cela faisait allusion au prophète, alors, comme cela faisait dix ans qu’il avait écrit ce scénario qu’il n’avait toujours pas réalisé, et bien, il l’a appelé le mirage. Il ne connaissait même pas le mot en arabe, il l’avait cherché dans le dictionnaire, Assarab. Le film était vraiment devenu un mirage !
A l’origine, un roman, les inventions burlesques et tragiques de l’anachronique Mohamed Ben Mohamed, récit magique, inspiré de l’oncle maternel de Papa. Le roman Les inventions burlesques et tragiques de l’anachronique Mohamed Ben Mohamed, récit magique, devint un roman composé en trois tomes, nommé Le voleur de mémoires qu’il a réécrit plusieurs fois, je n’ai pas encore compté combien de fois, de 1966 à 2003, date à laquelle il me remit le manuscrit en me disant « je n’y retouche plus ».

Notre appartement a brûlé le 23 juillet 2006. Ma mère a reçu un appel un dimanche matin à 7 heures, elle se trouvait à Aït Oumghar, avec mon père. Les voisins avaient appelé. Le feu a pris du balcon. La police a conclu à un incendie criminel mais je ne sais si c’est criminel ou accidentel, peut-être quelqu’un a-t-il jeté un mégot par mégarde par le balcon où il n’y avait pas encore de fenêtres. La moitié de l’appartement a brûlé, l’endroit où mon père s’asseyait, l’endroit où il rangeait ses manuscrits. Nous avions pensé au départ que tout avait disparu.
Mon père n’avait plus mis les pieds dans l’appartement de Rabat depuis la mort de ma sœur Batoul le 22 décembre 2003.
Ma mère a déblayé l’appartement. Avec des gens qui l’aidaient, employés ou amis, ils avaient une consigne, ne rien jeter, surtout les papiers, même s’ils étaient en mauvais état. A mon grand désarroi, ma fille avait un an et je vivais en France, je ne pouvais venir aider. Ce qui n’a pas brûlé a été mouillé par les pompiers. Ma mère a amené tous les éléments, sur la terrasse, qu’elle a fait sécher, un à un. Je me suis retrouvée avec plusieurs cartons, pleins de manuscrits, la plupart des pages numérotées heureusement, mais malgré cela, ce n’est pas une tâche facile. A moi incombait la tâche de jeter ce qui devait l’être et de classer ce qu’il y avait à archiver. Reconstituer les manuscrits, reconstituer les romans, les scénarios, l’histoire du cinéma, l’histoire du Maroc, les nouvelles, les poèmes, une quantité incroyable de manuscrits.
Maintenant je vais vous raconter l’histoire d’un manuscrit.
BOUANANI CHERCHE EDITEUR. La septième porte. Après dix ans de réflexions entamé en 1980 et achevé en 1984, le livre de Ahmed Bouanani La 7ème Porte sur le cinéma du Maroc attend toujours qu’un éditeur le mette à la disposition du public.
Cet ouvrage de 300 pages, appuyé d’une cinquantaine de photos et d’un dictionnaire des cinéastes marocains, retrace l’histoire du cinéma depuis sa naissance dans le Maghreb et en Egypte depuis 1907.
Qui donc offrira la clef de La septième porte en délivrant cet important ouvrage qui manque tant dans nos bibliothèques et au public assoiffé de cinéma.
Ma grande difficulté et heureusement mon père avait l’habitude de toujours faire des sommaires, mais je n’ai pas trouvé les sommaires du premier coup, j’ai eu beaucoup de difficultés à reconstituer ce manuscrit jusqu’au jour où j’ai découvert qu’il y avait trois écritures, donc trois sommaires.
Voici le premier sommaire qui s’arrête en 1982, voilà le deuxième, et voilà le troisième.
LA SEPTIEME PORTE SOMMAIRE
Avant-propos
I. IL ÉTAIT UNE FOIS LE CINEMA
Les grandes dates repères (1895-1956)
II. LA NUIT COLONIALE
Ce pays de la Belle au bois dormant !
De Mesguich à la guerre du Rif (1907-1926)
De « l’âme du bled » à l’enfant de la jungle casablancaise (1927-1943)
D’un certain cinéma « arabe » au « médecin malgré lui ».
Annexe 1 : A propos de génériques.
Annexe 2 : Un rapport de 1950.
III. PETITE HISTOIRE EN MARGE DU CINEMATOGRAPHE : Mohamed ben Ali à la recherche du trésor perdu.
IV. TRENTE ANS APRES
Les grandes dates repères (1956-1986)
V. LE MAROC EN NOIR ET BLANC (1956-1969)
* Le titre a toujours raison (courts métrages de 1956 à 1969)
* Naissance d’une carte postale.
* De silence et de cris.
* Entre deux chiffres.
Annexe 3 : Des journaux filmés…
* Les pionniers sont fatigués (longs métrages de 1956 à 1969)
* Une tentative muette.
* Des images pour un prestige.
VI. POUR UN NOUVEAU REGARD (1970-1979)
* La mémoire maudite (courts métrages).
* Un chiffre magique : Trois.
* Moha Moha Moha.
* Heureux celui dont la mémoire repose en paix !
* Une saison nommée souvenirs !
* Les années 70 de notre jeunesse (les longs métrages)
* Un mécénat sans lendemain.
* Un Douglas Fairbanks nommé Mohamed.
* Le visage caché de la carte postale.
* La traversée des apparences.
* Feu – Flamme – Fou.
* De sable et de sang.
* Une ville en noir : Casablanca.
* Une querelle pour des cendres.
* Notre image est notre harem.
VII. POUR UNE POIGNÉE D’IMAGES (la production nationale à partir de 1980)
Le bruit et la fureur.
Tempête sous un crâne.
Le trésor infernal du Fonds de Soutien.
LES COURTS METRAGES
Des olives dans un tagine de viande.
Nous n’avons pas besoin de passé.
(LES LONGS METRAGES) Souvenirs d’un festival.
Entre hier et demain.
La mort de Charlot.
Incertain burlesque.
Et la nave va.
Candide ou la carte du tendre.
Les nouveaux troubadours.
Des yeux sans visages.
Renaissance d’une nation.
La fin d’un automne ?
Naïma, Farid, Abdou, Mériem et les autres.
Buster Keaton est mort…
Ecran noir.
L’important c’est la rose.
Des enfants et des hommes.
Encore des cendres.
Annexe 3
La solitude du comédien.
VIII. DERNIER CHAPITRE :
Caricatures…
Tous les pays qui n’ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid.
Un cinéma loin des feux de la rampe.
L’écran déchiré.
Une époque étrangement douce.
Hadda ou l’envoûtement.
* Chronologie des films tournés au Maroc sous le Protectorat.
* A propos de ces étrangers venus chez nous…
* Chronologie filmographique depuis l’Indépendance
* Les courts métrages (1956-1986)
* Les longs métrages (1956- 1986)
* Dictionnaire du cinéma au Maroc.
* Sources bibliographiques.
* Index des principaux noms cités.
* Index des films cités.