Participants : Eiman Hussein, Tamer El Said, Talal Afifi, Haytham El-Wardany, Erica Carter, Ihab Rafla, Ali Atef, Dana Enani, Randa Megahed, Maged Nader, Can Sungu, Touda Bouanani, Mohamed Slaoui Andaloussi, Sarah Dornhof, Corinne Wiss, Mathilde Rouxel et Stefanie Schulte Strathaus.
Lors de l’Archive Assembly #1, chaque matin à la Kuppelhalle chez silent green et à Sinema Transtopia, plusieurs présentations sur des projets d’archives précaires ont été programmées sous le titre “Found Futures”. Cet événement était organisé par Arsenal – Institut du film et de la vidéo en collaboration avec le Goethe-Institut dans le but de créer un réseau de communication et de soutien mutuel.
Les successions et les legs posent des défis particuliers au discours archivistique : lorsqu’une collection est détenue par une seule personne, qu’est-ce que cela signifie pour la manière dont elle peut être traitée en public ? Jusqu’à quel point une archive peut-elle être autobiographique ? Les successions de Hussein Shariffe, Atteyat Al Abnoudy et Magdy Rafla, dont certaines parties ont été présentées la veille au cinéma Arsenal, ont été discutées ici de manière plus approfondie. Les travaux de restauration du film KARA KAFA (tourné en partie en Allemagne) du réalisateur Korhan Yurtsever (Turquie), ainsi que les travaux en cours sur la succession du cinéaste et écrivain Ahmed Bouanani (Maroc), et de la réalisatrice Jocelyne Saab (Liban).

Touda Bouanani a présenté sa vidéo “Fragments de mémoire” (2014, 20 minutes), une œuvre qui s’inscrit dans l’héritage de son père, notamment son long-métrage “Le Mirage”. Cette vidéo évoque la situation de l’appartement-archive de la famille Bouanani à Rabat et présente l’un des manuscrits inédits de Ahmed Bouanani : “La Septième porte”, une histoire du cinéma au Maroc de 1907 à 1986.
Texte de la voix off :
« Ahmed Bouanani est un illustre inconnu. Bien plus encore, il était confondu avec un homonyme qui travaillait à la RTM (Radio Télévision Marocaine). Au mieux il était connu pour avoir réalisé un unique long métrage, Le Mirage en 1980, pour avoir écrit un unique roman L’hôpital paru en 1990 aux éditions Al Kalam et un unique recueil de poèmes Les persiennes, paru en 1980 aux éditions Stouky.
Toute ma famille travaillait dans le cinéma, toute ma famille était passionnée de cinéma.
Le Mirage ne s’appelait pas le mirage. Il s’appelait Des dollars pour Mohamed. Puis Pas de dollars pour Mohamed. Mais le titre a été censuré, la seule chose qui a été censuré dans Le Mirage, parce que on avait cru que cela faisait allusion au prophète, alors, comme cela faisait dix ans qu’il avait écrit ce scénario qu’il n’avait toujours pas réalisé, et bien, il l’a appelé le mirage. Il ne connaissait même pas le mot en arabe, il l’avait cherché dans le dictionnaire, Assarab. Le film était vraiment devenu un mirage !
À l’origine, un roman, les inventions burlesques et tragiques de l’anachronique Mohamed Ben Mohamed, récit magique, inspiré de l’oncle maternel de Papa. Le roman Les inventions burlesques et tragiques de l’anachronique Mohamed Ben Mohamed, récit magique, devint un roman composé en trois tomes, nommé Le voleur de mémoires qu’il a réécrit plusieurs fois, je n’ai pas encore compté combien de fois, de 1966 à 2003, date à laquelle il me remit le manuscrit en me disant « je n’y retouche plus ».
Notre appartement a brûlé le 23 juillet 2006. Ma mère a reçu un appel un dimanche matin à 7 heures, elle se trouvait à Aït Oumghar, avec mon père. Les voisins avaient appelé. Le feu a pris du balcon. La police a conclu à un incendie criminel mais je ne sais si c’est criminel ou accidentel, peut-être quelqu’un a-t-il jeté un mégot par mégarde par le balcon où il n’y avait pas encore de fenêtres. La moitié de l’appartement a brûlé, l’endroit où mon père s’asseyait, l’endroit où il rangeait ses manuscrits. Nous avions pensé au départ que tout avait disparu.
Mon père n’avait plus mis les pieds dans l’appartement de Rabat depuis la mort de ma sœur Batoul le 22 décembre 2003.
Ma mère a déblayé l’appartement. Avec des gens qui l’aidaient, employés ou amis, ils avaient une consigne, ne rien jeter, surtout les papiers, même s’ils étaient en mauvais état. A mon grand désarroi, ma fille avait un an et je vivais en France, je ne pouvais venir aider. Ce qui n’a pas brûlé a été mouillé par les pompiers. Ma mère a amené tous les éléments, sur la terrasse, qu’elle a fait sécher, un à un. Je me suis retrouvée avec plusieurs cartons, pleins de manuscrits, la plupart des pages numérotées heureusement, mais malgré cela, ce n’est pas une tâche facile. A moi incombait la tâche de jeter ce qui devait l’être et de classer ce qu’il y avait à archiver. Reconstituer les manuscrits, reconstituer les romans, les scénarios, l’histoire du cinéma, l’histoire du Maroc, les nouvelles, les poèmes, une quantité incroyable de manuscrits.
Maintenant je vais vous raconter l’histoire d’un manuscrit.
BOUANANI CHERCHE EDITEUR. La septième porte. Après dix ans de réflexions entamé en 1980 et achevé en 1984, le livre de Ahmed Bouanani La 7ème Porte sur le cinéma du Maroc attend toujours qu’un éditeur le mette à la disposition du public.
Cet ouvrage de 300 pages, appuyé d’une cinquantaine de photos et d’un dictionnaire des cinéastes marocains, retrace l’histoire du cinéma depuis sa naissance dans le Maghreb et en Égypte depuis 1907.
Qui donc offrira la clef de La septième porte en délivrant cet important ouvrage qui manque tant dans nos bibliothèques et au public assoiffé de cinéma.
Ma grande difficulté et heureusement mon père avait l’habitude de toujours faire des sommaires, mais je n’ai pas trouvé les sommaires du premier coup, j’ai eu beaucoup de difficultés à reconstituer ce manuscrit jusqu’au jour où j’ai découvert qu’il y avait trois écritures, donc trois sommaires. Voici le premier sommaire qui s’arrête en 1982, voilà le deuxième, et voilà le troisième.
Touda Bouanani