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Le coiffeur du quartier des pauvres, un film de Mohamed Reggab (1982)

21 juin 2020 // Léa Morin

Le coiffeur du quartier des pauvres, un film de Mohamed Reggab (1982)

C’est Mohamed Habachi, acteur du Mirage de Ahmed Bouanani qui tient également le rôle principal dans Le coiffeur du quartier des pauvres de Mohamed Reggab.

 

Extrait Du Catalogue Des Longs Métrages Du Centre Cinématographique Marocain.

 

Le film emprunte des extraits du film Mémoire 14 de Ahmed Bouanani. Naïma Saoudi Bouanani fait partie de l’équipe, elle a réalisé les costumes et le maquillage pour le film.

 

 

C’est Mohamed Habachi, acteur du Mirage de Ahmed Bouanani qui tient également le rôle principal dans Le coiffeur du quartier des pauvres de Mohamed Reggab.

 

Habachi
Prix Habachi

 

Ahmed Bouanani consacre un long paragraphe au film de Mohamed Reggab dans La Septième Porte, une Histoire du cinéma au Maroc de 1907 à 1986. En voici ici plusieurs extraits.

 

Le scénario et les dialogues ont été écrits par Youssef Fadel qui a adapté sa propre pièce de théâtre. Le film est traité sous la forme de chapitres portant en surimpression sur une image fixée le nom d’un des principaux antagonistes Miloud – Jelloub – Houmane… Le synopsis lui-même est présenté comme une suite de portraits :

 

« Hmida vient d’être libéré après avoir purgé une peine de prison pour vol. Originaire de la campagne, il y a vécu jusqu’au jour où son père l’a publiquement renié, il s’est installé en ville et il mène une vie marginale.

 

« Miloud (Mohamed Habachi), le coiffeur d’un quartier pauvre, soumis, faible et résigné, apprécie Hmida mais il lui reproche ses activités coupables. Or voler symbolise pour Hmida sa révolte contre le comportement de son père.

 

« Jelloul (Mohamed Tajer), l’homme riche du quartier. Il est propriétaire, entre autres, de la boutique du coiffeur. C’est un ancien combattant de l’armée française. Il est tout le temps accompagné par Si Allal (Omar Chenbout).

 

« Si Allal, muezzin du quartier et… ancien gérant d’un bar, n’aime pas Miloud, et, afin d’accaparer a boutique, il arrivera à convaincre Jelloul de remplacer la coiffure par l’enseignement coranique.

« Mahjouba (Khadija Khamouli) est une jeune femme ambitieuse. Elle partage avec son mari Miloud un logis dont l’exiguïté et l’insalubrité provoquent d’interminables querelles entre eux. Elle deviendra la proie de Jelloul durant l’emprisonnement de son mari.

 

« Houmane (Hamid Najah), ouvrier de conditions très modestes, se voit rejeté à tous moments par les habitants du quartier. Ces malheurs proviennent de son voisinage avec Jelloul qui fera signer une pétition en vue de l’expulser, prétextant « les mauvais agissement » de sa femme Zohra… »

 

Extraits de « La Septième Porte, une Histoire du cinéma au Maroc de 1907 à 1986″ Ahmed Bouanani (1987), Kulte Editions, Rabat, 2020.

            L’œuvre est ambitieuse, mais le film pêche par de nombreux défauts : Un montage incertain et qui manque de nervosité (les documents repris de Mémoire 14 sont effroyablement longs), un recours aux flashs backs le plus souvent mal placés (pourquoi diable cette solution de facilité qui disperse l’attention et désamorce l’intensité dramatique quand elle n’est pas maîtrisée ?), et surtout le fait essentiel de n’avoir pas suffisamment détaché la création filmique de la chose théâtrale. Sur ce dernier point, la mort tragique de cette femme qu’on ne voit jamais, Zohra, qui bouleversera le fragile Miloud au point de le conduire à la chute, cette mort est racontée par le mari assassin, comme s’il se trouvait sur les planches théâtrales.

 

            En dehors de ces défauts qu’une critique superficielle peut déceler, Le Coiffeur du Quartier des Pauvres n’a pas été l’objet d’une analyse poussée, que ce soit dans la presse ou dans les revues.

 

            Les mêmes ambiguïtés se dégagent aussi bien des Cendres du Clos que de ce film. On peut même penser que le Coiffeur du quartier des Pauvres est une suite du premier, ne fusse que par la présence de Hmida, portrait vivant du destin que laisse planer la fin des Cendres sur la tête du paysan interprété par Habachi. A quoi finalement se réduit l’armature du film ? Un pauvre coiffeur d’un quartier pauvre se voit jeter en prison pour avoir hébergé un pickpocket ; à sa sortie, il trouve sa femme mariée au riche du coin. Il se suicide. Nous avons intentionnellement procédé à cette réduction. Nous pourrions tout aussi bien donner un autre résumé : un ouvrier, Houmane, est marginalisé par le quartier où il vit avec sa femme Zohra. Afin de l’exproprier, le riche du coin propage des accusations contre la moralité de Zohra. Houmane, obligé de déménager, égorge sa femme… Ce sont, en somme, les deux intrigues parallèles du Coiffeur du Quartier des Pauvres, dégagées de l’atmosphère populiste où foisonnent d’autres visages, d’autres silhouettes, le tout noyé dans une ambiance sonore trop chargée. Qu’ont-elles donc de commun ? Hormis un « mal » mystérieux qui semble dévorer de l’intérieur Miloud et Houmane, une sorte de malédiction divine, c’est en effet, la Femme (avec un F majuscule) qui est le point commun entre deux destins différents. Le Coiffeur du quartier des Pauvres occulte le rôle féminin principal, Zohra. Ce qu’on verra d’elle, c’est une tache de sang. Rien de plus. Quant à Mahjouba, la femme du coiffeur, c’est l’archétype de toutes celles qui vivent dans l’exiguïté, reléguées toute la journée à la cuisine. Seuls les hommes « vivent ». La trahison de Mahjouba est présentée comme quelque chose d’ordinaire, d’inhérent à la « race féminine »… La femme est un être impur, immoral. Avec le rasoir du coiffeur (le rasoir étant l’unique objet entre les deux histoires) Houmane règle son compte à sa femme alors que Miloud, par faiblesse et désespoir, préfère s’éloigner, s’enfuir. La gare est le dernier havre, prélude à tous les départs vers « des horizons meilleurs »…

 

Extraits de « La Septième Porte, une Histoire du cinéma au Maroc de 1907 à 1986″ Ahmed Bouanani (1987), Kulte Editions, Rabat, 2020.

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